J'ai regardé quelques minutes Ségolène sur Tf1 ce soir. Pour voir. Oser un peu plonger de l'autre côté. Ouvir les yeux. Ou les fermer. C'est comme on veut. Ségolène. Vous savez, la tentacule médiatico-politique. Le personnage qui se construit malgré lui. Je pars en expédition donc. Tâter là ou ça me brûle les doigts, toujours. Parce que ça part dans tous les sens. Des chewing-gums d'idées qui collent et se décollent, trop malléables, pas assez solides.
La société est une grande touffe ébouriffée et je rechigne à jouer l'apprenti-coiffeur. C'est comme ça.
Ce soir quand même quelques minutes. Essayons. Parce que surtout on en a parlé entre nous cet aprem' entre collègues chiquement devant la Sorbonne. Ca m'avait un peu redonné goût. Alléché comme par la bonne odeur d'un rôti -dont on sait par ailleurs que la première bouchée détruira par excès toute cette gestation.
Une petite femme qui se tient sur le plateau, l'air fragile. Braquée. De toute part, le public, les caméras, nos yeux de télespectacteurs. Je fais l'effort. Je m'accroche. Impossible.
Le concept déjà est pipé. Des Français de tous les horizons qui assènent un seul candidat d'une foultitude de questions et de revendications. Le candidat doit alors créer son puzzle passe-partout pour y répondre à toutes et faire en sorte que toutes les solutions soient compatibles entre elles et satisfaisantes. Créer un système poudre aux yeux qui ravira petits et grands. Evidemment le candidat ne prend pas en compte des cas particuliers mais remonte toujours vers le général, presque tout le temps vers le creux. Creux car la démarche devrait être inverse. Mais on est pressés. Tous. Le timing. Alors on se fait plaisir, et on répond creux. Puisque c'est presque d'un jeu implicite dont il s'agit ici.
Dépasse le concept Pierre. Tu forges trop d'outillage théorique bordel! et regarde ce qui se passe présentement sous tes yeux. J'ai beau faire. C'est pire. Au bout de vingt minutes je n'en peux plus, le jargon m'exaspère. Pourquoi? Parce que nous baignons des pieds jusqu'à la tête dans l'orgie du positif et du ça-va-mieux-se-passer. Les expressions ne sont pas très belles. Pardon.
Croissance, croissance, augmenter, augmenter, relancer, cercle vertueux, cercle vertueux du travail, augmenter le revenu, la Suède a le revenu minimum le plus élevé, PME / grande entreprise augmenter masse salariale, cercle vertueux ne pas faire augementer l'indice des prix, relancer.
Et ces mots me font peur. Parce qu'ils se dirigent aveuglèment vers des principes perfectifs. Ils sont comme des bulles de Malabar: plus c'est gros, plus ça explose facilement. Tic tic tic. Ca sonne creux, je le redis.
Tout ce vocabulaire qui a trait à l'exubérance de la quantité pervertit le discours, pour deux raisons. 1) Il pousse le discours à se hisser au rang le plus général possible ("nous devons relancer la croissance") afin que cette tentacule quantitative s'impose délibéremment à la plus haute échelle possible. Dès lors le discours s'écarte de la réalité particulière. 2) Il oriente les débats futurs vers des questions qui tourneront autour de ces généralités sophistiques. On s'empêtre, et on laisse tomber d'autres facettes de l'homme.
C'est bien abstrait. Je prends l'exemple de cet homme qui demande à Ségo pourquoi elle ne s'est pas rendue au forum des restaurateurs (ou PME?) l'année passée. Sourire niais de Ségo. Question concrète pourtant de ce brave individu. Mais réponse niaise de Ségo, généraliste à gogo. Eh de quoi tu parles mec? on est en train de se prélasser dans la quantité, on bronze avec nos pilules d'adjectifs d'accroissement et tu m'interrompts avec ton forum de bouzeux? Réponse de Ségo: les PME sont mon combat, vous le savez, je veux les relancer économiquement (en gros c'était ça) (et le forum alors?)!
Je ne peux m'empêcher de penser que Ségolène (et tout autre discours politique qui se situe dans ce registre) est un triste miroir. Miroir de la société, ou d'une partie, même si c'est bien vague, en quête de l'illimité, du forfait illimité, de l'augmentation, augmenter augmenter, surfer sur des embruns, vite vite vite relancer relancer relancer.
La société est une grande touffe ébouriffée et je rechigne à jouer l'apprenti-coiffeur. C'est comme ça.
Ce soir quand même quelques minutes. Essayons. Parce que surtout on en a parlé entre nous cet aprem' entre collègues chiquement devant la Sorbonne. Ca m'avait un peu redonné goût. Alléché comme par la bonne odeur d'un rôti -dont on sait par ailleurs que la première bouchée détruira par excès toute cette gestation.
Une petite femme qui se tient sur le plateau, l'air fragile. Braquée. De toute part, le public, les caméras, nos yeux de télespectacteurs. Je fais l'effort. Je m'accroche. Impossible.
Le concept déjà est pipé. Des Français de tous les horizons qui assènent un seul candidat d'une foultitude de questions et de revendications. Le candidat doit alors créer son puzzle passe-partout pour y répondre à toutes et faire en sorte que toutes les solutions soient compatibles entre elles et satisfaisantes. Créer un système poudre aux yeux qui ravira petits et grands. Evidemment le candidat ne prend pas en compte des cas particuliers mais remonte toujours vers le général, presque tout le temps vers le creux. Creux car la démarche devrait être inverse. Mais on est pressés. Tous. Le timing. Alors on se fait plaisir, et on répond creux. Puisque c'est presque d'un jeu implicite dont il s'agit ici.
Dépasse le concept Pierre. Tu forges trop d'outillage théorique bordel! et regarde ce qui se passe présentement sous tes yeux. J'ai beau faire. C'est pire. Au bout de vingt minutes je n'en peux plus, le jargon m'exaspère. Pourquoi? Parce que nous baignons des pieds jusqu'à la tête dans l'orgie du positif et du ça-va-mieux-se-passer. Les expressions ne sont pas très belles. Pardon.
Croissance, croissance, augmenter, augmenter, relancer, cercle vertueux, cercle vertueux du travail, augmenter le revenu, la Suède a le revenu minimum le plus élevé, PME / grande entreprise augmenter masse salariale, cercle vertueux ne pas faire augementer l'indice des prix, relancer.
Et ces mots me font peur. Parce qu'ils se dirigent aveuglèment vers des principes perfectifs. Ils sont comme des bulles de Malabar: plus c'est gros, plus ça explose facilement. Tic tic tic. Ca sonne creux, je le redis.
Tout ce vocabulaire qui a trait à l'exubérance de la quantité pervertit le discours, pour deux raisons. 1) Il pousse le discours à se hisser au rang le plus général possible ("nous devons relancer la croissance") afin que cette tentacule quantitative s'impose délibéremment à la plus haute échelle possible. Dès lors le discours s'écarte de la réalité particulière. 2) Il oriente les débats futurs vers des questions qui tourneront autour de ces généralités sophistiques. On s'empêtre, et on laisse tomber d'autres facettes de l'homme.
C'est bien abstrait. Je prends l'exemple de cet homme qui demande à Ségo pourquoi elle ne s'est pas rendue au forum des restaurateurs (ou PME?) l'année passée. Sourire niais de Ségo. Question concrète pourtant de ce brave individu. Mais réponse niaise de Ségo, généraliste à gogo. Eh de quoi tu parles mec? on est en train de se prélasser dans la quantité, on bronze avec nos pilules d'adjectifs d'accroissement et tu m'interrompts avec ton forum de bouzeux? Réponse de Ségo: les PME sont mon combat, vous le savez, je veux les relancer économiquement (en gros c'était ça) (et le forum alors?)!
Je ne peux m'empêcher de penser que Ségolène (et tout autre discours politique qui se situe dans ce registre) est un triste miroir. Miroir de la société, ou d'une partie, même si c'est bien vague, en quête de l'illimité, du forfait illimité, de l'augmentation, augmenter augmenter, surfer sur des embruns, vite vite vite relancer relancer relancer.