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Lieu : Paris, 75, France

19.2.07

J'ai regardé quelques minutes Ségolène sur Tf1 ce soir. Pour voir. Oser un peu plonger de l'autre côté. Ouvir les yeux. Ou les fermer. C'est comme on veut. Ségolène. Vous savez, la tentacule médiatico-politique. Le personnage qui se construit malgré lui. Je pars en expédition donc. Tâter là ou ça me brûle les doigts, toujours. Parce que ça part dans tous les sens. Des chewing-gums d'idées qui collent et se décollent, trop malléables, pas assez solides.

La société est une grande touffe ébouriffée et je rechigne à jouer l'apprenti-coiffeur. C'est comme ça.

Ce soir quand même quelques minutes. Essayons. Parce que surtout on en a parlé entre nous cet aprem' entre collègues chiquement devant la Sorbonne. Ca m'avait un peu redonné goût. Alléché comme par la bonne odeur d'un rôti -dont on sait par ailleurs que la première bouchée détruira par excès toute cette gestation.

Une petite femme qui se tient sur le plateau, l'air fragile. Braquée. De toute part, le public, les caméras, nos yeux de télespectacteurs. Je fais l'effort. Je m'accroche. Impossible.

Le concept déjà est pipé. Des Français de tous les horizons qui assènent un seul candidat d'une foultitude de questions et de revendications. Le candidat doit alors créer son puzzle passe-partout pour y répondre à toutes et faire en sorte que toutes les solutions soient compatibles entre elles et satisfaisantes. Créer un système poudre aux yeux qui ravira petits et grands. Evidemment le candidat ne prend pas en compte des cas particuliers mais remonte toujours vers le général, presque tout le temps vers le creux. Creux car la démarche devrait être inverse. Mais on est pressés. Tous. Le timing. Alors on se fait plaisir, et on répond creux. Puisque c'est presque d'un jeu implicite dont il s'agit ici.

Dépasse le concept Pierre. Tu forges trop d'outillage théorique bordel! et regarde ce qui se passe présentement sous tes yeux. J'ai beau faire. C'est pire. Au bout de vingt minutes je n'en peux plus, le jargon m'exaspère. Pourquoi? Parce que nous baignons des pieds jusqu'à la tête dans l'orgie du positif et du ça-va-mieux-se-passer. Les expressions ne sont pas très belles. Pardon.

Croissance, croissance, augmenter, augmenter, relancer, cercle vertueux, cercle vertueux du travail, augmenter le revenu, la Suède a le revenu minimum le plus élevé, PME / grande entreprise augmenter masse salariale, cercle vertueux ne pas faire augementer l'indice des prix, relancer.
Et ces mots me font peur. Parce qu'ils se dirigent aveuglèment vers des principes perfectifs. Ils sont comme des bulles de Malabar: plus c'est gros, plus ça explose facilement. Tic tic tic. Ca sonne creux, je le redis.

Tout ce vocabulaire qui a trait à l'exubérance de la quantité pervertit le discours, pour deux raisons. 1) Il pousse le discours à se hisser au rang le plus général possible ("nous devons relancer la croissance") afin que cette tentacule quantitative s'impose délibéremment à la plus haute échelle possible. Dès lors le discours s'écarte de la réalité particulière. 2) Il oriente les débats futurs vers des questions qui tourneront autour de ces généralités sophistiques. On s'empêtre, et on laisse tomber d'autres facettes de l'homme.

C'est bien abstrait. Je prends l'exemple de cet homme qui demande à Ségo pourquoi elle ne s'est pas rendue au forum des restaurateurs (ou PME?) l'année passée. Sourire niais de Ségo. Question concrète pourtant de ce brave individu. Mais réponse niaise de Ségo, généraliste à gogo. Eh de quoi tu parles mec? on est en train de se prélasser dans la quantité, on bronze avec nos pilules d'adjectifs d'accroissement et tu m'interrompts avec ton forum de bouzeux? Réponse de Ségo: les PME sont mon combat, vous le savez, je veux les relancer économiquement (en gros c'était ça) (et le forum alors?)!

Je ne peux m'empêcher de penser que Ségolène (et tout autre discours politique qui se situe dans ce registre) est un triste miroir. Miroir de la société, ou d'une partie, même si c'est bien vague, en quête de l'illimité, du forfait illimité, de l'augmentation, augmenter augmenter, surfer sur des embruns, vite vite vite relancer relancer relancer.

1.2.07

Séjour gastronomique en Auvergne

Un mois de Je travaille et je m'en fous du reste. Quelques cartouches d'encre et une trentaine de léchages baveux anonymisant de copies plus tard me voici ouf libéré. Il faut faire quelque chose maintenant. Partir. Se faire croire que pour quinze jours la France le monde sont à moi ma carte 12/25 sera mon passeport sacré. L'Espagne ça n 'a pas marché. Stage de parapente annulé. Je creuse. Merde c'est affreux la léthargie. Et pourquoi pas Clermont-Ferrand le festival du Court-métrage me conseille-t-on. Diantre. Je poirotte vingt-quatre heures je tiens pas en place et enfin je reçois l'appel que j'attendais. Oui je peux vous loger Monsieur pour vingt euros la nuit même si vous êtes deux.

Nous sommes deux. Rencontre par hasard au super U ça faisait longtemps. La prépa tu comprends. Eh ça te dirait d'aller à Clermont au festival? En plus c'est nickel pour tes études de ciné. Les rencontres inattendues du supermarché à la caisse. Et nous voilà sur l'embranchement de l'autoroute A6 à faire du stop. Nos doigts de pieds gèlent et les conducteurs font des grimaces. A voir leurs yeux tout ronds le stop n'est plus une pratique courante. Après cinq heures de zèle nous désesperons. Nous n'avons fait que trente kilomètres. Notre plus belle rencontre : s'être fait ramasser par les policiers car nous avions été "signalés". On repart à zéro. Vive le train et la carte 12/25. Nous arrivons nous n'y croyions plus le dimanche soir. A pic pour une première séance. C'est du festival que je vais parler.

C'est un festival du ventre. On mange on incurgite sans digérer des petits fours servis sur un plateau. Du cinéma bouffe. A l'entrée dimanche soir Le menu, bien garni bien épais. Pas moins de 1200 court-métrages étalés sur une semaine. Cinq bâtiments. De 10h à 23h en continu. Nous achetons nos tickets. 1,83€ la séance, à peu près cinq six petits films par séance. Le festin commence.

Des petits fours. Nous bavons devant le catalogue alléchant. Design sexy. Une photo du film et un bref synopsis. Puis à nous de programmer nos séances. Cuisine à toutes les sauces. Française, internationale (notre préférée), belge, africaine. Et quelques hors-d'oeuvres: films "labo", films "école" etc. Beaucoup beaucoup de films d'animation. C'est vraiment à la mode. On mélange aussi sucré/salé: fiction, documentaire, fiction expérimentale.

Surtout. C'est l'occasion rêvée de découvrir le Mesdames et Monsieur court-métrage. Au début un genre un peu bâtard, entre la nouvelle écrite et le long-métrage, et ça dure un peu plus longtemps qu'une publicité. Je ne cerne pas vraiment. Puis petit à petit à force de manger j'entrevois des aspects inattendus. Le film court est une genre en lui-même quasi-codifié.

Tout tient à cela : le défi. Raconter une histoire en un laps de temps très court en moyenne de dix à trente minutes. Ca devrait tout changer. Tout change effectivement. D'après mon échantillon représentatif -j'en ai vu à peu près trente quarante- j'en tire le constat suivant: l'histoire n'est jamais vraiment racontée. Elle est dessinée. Presque esquissée comme sur du papier calque.
Le début: irruption dans un univers qui semble avoir commencé largement avant le court-métrage lui-même. Les personnages ne nous ont pas attendus nous spectacteurs pour entamer leur rôle. On arrive en cours de route. Ils étaient là avant. Le dénouement a aussi sa particularité propre. On reste toujours sur sa faim. A la différence de la plupart des films longs la fin ici est toujours une relance. Ca ne finit jamais vraiment. Nous terminons courbés sur notre fauteuil en forme de point d'interrogation ou décomposés en points de suspension. Parfois irrités quand c'était vraiment bien. C'est très frappant. Jamais ce gargouillis de ventre de satisfaction ressenti habituellement à la fin d'un long-métrage.
Paradoxalement dans le court-métrage on ne se presse pas. Puisque l'action est esquissée et que le spectacteur l'accepte tacitement, on peut prendre tout son temps. Vraiment très très peu de dialogues. On laisse parler les images c'est quand même plus éloquent. Des séquences sur la même action peuvent être très très longues. Y'a vraiment pas l'feu. Comme en auto-stop finalement, on ne court pas pour aller attrapper son train. Les plans aussi, de manière générale, durent plus longtemps. Je me souviens d'un film argentin assez long composé de quatre cinq plans différents. Et ça détonne.

Frappé par l'étendue des sujets traités. Y'en a vraiment pas un, même au sein des français, qui ressemble à l'autre. On trouve aussi beaucoup de sujets complètement ahurissants venus de Mars. Dans le court-métrage on parle vraiment de ce qu'on veut. Tout est permis. A titre d'exemple un film anglais je crois nommé The Phobies. Quatre patients dans un cabinet plus une secrétaire. Sans explication ni rien des cheveux qui attaquent, une lumière déchirante, bref illustration succesive de cinq phobies différentes. Et c'est fini. Ou encore ce film coréen où une mère trucide toute sa famille en apprenant qu'une bombe atomique va faire exploser tout le pays, pour finalement tomber comme un javelot dans son jardin et transpercer son fils.

Une bonne partie m'ont foutu mal à l'aise. C'est aussi le but.

Dans ce festival y'a aussi l'ambiance. Des rituels sains. Le double applaudissement à la fin de chaque film. Le jury dans la salle au septième rang. Quelques réalisateurs présents dans la salle ça-et-là que l'on salue dans le micro au début de la séance. Beaucoup de djeun's férus qui jouent au tarot dans les escaliers. Ambiance vraiment décontractée. Un festival sans couleurs politiques. Et tout autour la ville enneigée on respire.

J'en suis parti en ramenant un petit quelque chose. Il m'arrive pendant quelques secondes d'avoir des flash "séquence court-métrage". Quelques évènements tout bêtes qui se déroulent sous mes yeux. Et je me dis. Ca alors! Ce que je viens de voir (de sentir)! C'est pile-poil ce qu'il aurait fallu si je voulais faire un court-métrage! Une sorte de symptôme de la caméra enfouie dans la tête.