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Lieu : Paris, 75, France

25.4.07

Sarko, malgré lui, malgré moi
Ou la question cruciale de la fin et des moyens


C'est l'histoire d'un djeunz assez bohème et plutôt inconstant qui décide de voter Ségo au premier tour pour bloquer Sarko -Sarko fait peur-, très satisfait des résultats le soir des élections, et qui, quelques jours après, se demande s'il ne va pas voter Sarko au second tour pour empêcher Ségo d'être élue. Le comportement électoral de ce djeunz, plutôt déconcertant, serait suceptible de dérouter des analyses sociologiques ou bien, plus proche, son entourage. Il serait alors obligé, pour ne pas perdre tout crédit, d'expliquer son raisonnement.


Il commencerait pourtant par un réquisitoire bâteau contre Sarko. Ou une diabolisation sincère -puisque c'est le sujet chic en ce moment-, comme on veut. Le personnage Sarko est viscéralement infect. A se rouler dans la boue. Colérique comme pas deux, imbu de sa personne, souvent trop pragmatique. Etant très attaché à la parole, à la saveur des mots, à ce qui fait le charme d'un politicien, notre djeunz ne manquerait pas de s'insurger contre des discours dangereusement rassurants, dangereusement simplistes, dangereusement réconcialiateurs. Des relectures de l'histoire biaisées, des théories scientifiques dégotées à l'école primaire, une vision du mal plutôt fixiste. Et derrière tous ces discours, un vide colossal. Le vide derrière le verni. Des promesses à toutes et à tous, en masse, pour se faire élire. Manipulateur. Les Français croient encore à Santa-Clause. Et il le sait.


A cet instant précis, l'argumentaire se libérerait un peu des discours souvent réitérés. Notre jeune électeur soupirerait. Oui mais. Pas si simple. Vous savez. Il y a quand même une chose. Une tenacité incroyable habite le candidat. Quelles que soient les raisons par laquelle elle est mue, Sarko sait ou il va et s'en donne les moyens. Une chose est certaine: l'homme Sarkozy ne se laisse pas du tout effacer par ses idéaux, ni par son parti. L'homme, le caractère, bref, Sarkozy est farouchement présent.
Et ceci aux antipodes de sa candidate directe. Ségo, son ancienne roue de secours au premier tour. Le discours de Ségolène le soir des élections. Sègolène elle-même. Molle. Effacée. Sans conviction aucune. Le parfait contraire: la femme Ségo effacée derrière ses idéaux, complètement vide, et peut-être même affaiblie par le poids des éléphants, pas si éléphants que ça d'ailleurs, plutôt pirrahnas pas très futés sur ce coup-là.


Alors il en tirerait la conséquence suivante, peut-être à tort: Sarko président, les choses bougeront. Pour une seule raison, sa tenacité farouche, parfois hystérique. Les choses bougeront, certainement en mal (du point de vue du djeunz), mais quand-même. Rupture donc. Car cela fait à peu près dix ans qu'on baigne dans une espèce de soupe informe, dans une sorte d'inertie du pouvoir. Et il n'y a rien de pire pour un pays que d'être molaçon. Un des thèmes fétiches de Sarko: le travail. Soit. Et bien une chose est sûre, le candidat travaillera d'arrache-pied à consommer la rupture.


Il manquerait alors une seule étape au raisonnement, pour que le scénario soit à peu près enviable. Notre électeur insisterait sur un point essentiel: on souligne trop peu dans les théories politiques qu'un bon parti, généralement, se forme en réaction à quelque chose. Lorsqu'une situation a dégénéré, lorsqu'on on est allé trop loin, la force (même négative) de l'évènement nourrit allègrement les volontés les plus affectées. Il faut trouver une réponse de taille. Lutter. S'organiser donc. Changer ses stratégies. Et batailler. Cinq ans de Sarkozie pourraient générer malgré elles un dynamisme nouveau au sein de la gauche, et un renouveau de confiance et d'adhésion des électeurs. Un dynamisme quasi-mécanique, dont les bases reposeraient sur la tenacité originelle de Sarko, bonne ou mauvaise.


Evidemment, ceci nous ramène à l'éternelle question, sans réponse: la fin justifie-t-elle les moyens? Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit non? Accepter cinq ans de remou, bon ou mauvais, d'un candidat qu'on abhorre, pour espérer un renouveau mécanique. Des esprits malicieux s'écrieraient: autant voter Lepen alors? Attention à la pente glissante répondrait notre jeune offensé. La tenacité de Sarko n'est pas du tout semblable à l'extrêmisme d'un parti.


Voilà en substance, ce qu'il dirait. Voilà ce qui lui a traversé la tête depuis deux jours. C'est une manière étrange de raisonner, certes. Accepter un petit sacrifice pour un espoir futur. Sacrifier le court-terme pour imagnier la suite.

Enfin, notre jeune-pas-commode ponctuerait sa démonstration par une chose: il n'est pas du tout certain de l'effet escompté. Peut-on vraiment raisonner de la sorte? Cette vision des évènements est-elle illusoire? C'est pourquoi, hésitant, il serait ravi d'avoir l'avis de quelques lecteurs, incendiaire ou non.

9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Cette tentation, Pierre, que tu exprimes, porte un nom bien connu: la politique du pire.

Elle est de toutes les époques. Il y a de nombreuses références historiques, de gens qui l'ont rêvée, ou parfois pratiquée, quoiqu'en général, elle serve plutôt d'épouvantail, d'argument dissuasif: "ne pratiquez pas la politique du pire", "je ne fais pas la politique du pire", etc

De fait, il n'y a pas un seul exemple qu'elle ait jamais accouché du meilleur.

11:00 AM  
Anonymous Anonyme said...

Cette tentation, mon cher Pierre, porte un nom bien connu, mais assez peu présente dans le monde politique : Le courage.

Depuis la fin des 30 glorieuses – que tu n’as hélas pas connues – les Français préfèrent fermer les yeux sur ce qui pose problème et penser que ça va s'arranger tout seul. En fait ça ne s'arrange pas tout seul, on met simplement la poussière sous le tapis, histoire de ne pas la voir…

Le chômage monte ? On invente le « partage » du travail mais on oublie soigneusement de parler création de richesse. Notre PIB passe en dessous de celui de l’Angleterre mais on continue tout de même à croire que le « modèle français » est bien supérieur aux autres.

Nous dépensons plus que nous gagnons (collectivement s’entend) ? Pas grave, on invente le déficit budgétaire, et peu importe s’il atteint des sommes astronomiques ( 1 400 milliards à ce jour…), sous le tapis ça ne se voit pas, enfin, pas encore.

Nous faisons des lois qui disent clairement que pour entrer sur le territoire français il faut avoir des papiers en règle ? Qu’importe, celui qui cherche à les appliquer n’est qu’un facho de premier ordre à côté de qui Hitler est un garçonnet. Depuis quand les lois sont-elles faites pour être appliquées ?

Mon cher Pierre, je pourrais continuer cette liste indéfiniment, tant les exemples sont nombreux.

Personnellement je vais voter Sarkozy – je sais tu avais déjà deviné ! - précisément parce que pour la première fois depuis longtemps – très longtemps même – nous avons un homme politique qui a du courage. Et comme ça, n’arrive pas très souvent, alors je n’ai pas l’intention de laisser l’occasion passer.

1:27 PM  
Anonymous Anonyme said...

Je ne sors pas souvent de mon mutisme mais au moins la-dessus toit et moi on est pareil.
Je suis assez content de pouvoir lire ce que tu as écrit, ce n’est pas si « pas djeunz » de penser comme, même dans Libé y a des gens interviewés qui disent ça. Ce que tu dis de Sarko je l’ai entendu il y a 5 ans quand il a pointé le bout de son nez dans la bouche de ma plus intime. Ca fait peur, c’est un peu ça. Mais d’abord Sego ce n’est pas ce que tu décris : elle est loin d’être molle, bien au contraire pour être ce qu’elle montre elle se dépense bien plus que Sarko qui se contente de laisser parler ses instincts : pas d’ascèse chez lui – en dehors parait-il de la CC qui le fait vivre – alors que Sego se bat tous les jours pour être et se présenter comme « quelqu’un » face à tous ceux qui sont là depuis toujours. Si tu admire la ténacité de Sarko, tu dois reconnaître le courage d’une femme qui est dans l’arrière-plan politique depuis toujours et qui en l’espace d’un an a eu le courage contre tous de se « faire » candidate dans un contexte politique en crise et sans soutien, comme tu le fais bien remarquer en évoquant les mammouths aveuglés par leurs poils.
C’est surtout ça que je voulais te faire remarquer : Sego elle est ouf comme femme, et c’est bien Sego que tu vois sans cesse à travers la candidate : ses efforts, sa fatigue – as-tu remarqué que Sarko est toujours frais comme un gardon ! étrange pour un mec qui est en campagne partout en France depuis 5 ans ! – Sarko est fascinant pour cela aussi, mais Sego elle est humaine – et j’ai conscience du paradoxe parce qu’on est tous les deux d’accord qu’elle avait l’air froide et molle à la télé, Sarko au contraire apparemment tellement humain…
Ma fascination est partagée mais mes idées je sais où elles sont, le véritable changement ne passe ni par elle ni par lui : c’est une illusion de croire cela, à mon avis. La fameuse « logique du pire » : j’ai même entendu un de nos amis dire que l’art ne s’en porterait que mieux ! formidable ! Allons-y alors et oublions ce qui ne peuvent pas se le permettre ! Pour toi et moi Sarko ou Sego ça ne changera guère que nos emplois du temps à cause des manifs, pour certains ça signifie la fin de leur espoir d’obtenir ne serai-ce que le droit d’être là où ils sont.
Quand on vote, il faut penser aux autres. Un vote c’est toi qui participe à la vie des autres. Nous on a de la chance d’être des Bobo, bourgeois, artistes et autres plaisirs de la grande bouche sociale qui se gargarise.
D’ailleurs en passant : question ténacité les extrêmes sont bien plus forts, l’endurance contre le sprint en somme. Lepen me fascine infiniment plus que Sarko, Arlette est bien plus belle du haut de son 3ème age que Sego : mais ils bénéficient de la beauté historique et de celle des symboles.
Le renouveau radical n’est pas pour maintenant. Il se prépare et notre génération est marquée depuis 2002 : c’est à nous de bouger, plutôt que d’élire un garde chiourme de nos mouvements, un garant de notre mobilisation, simplement pour être bien certain de ne pas retombé dans notre paresse languissante de jeunes poseurs métaphysiques repu et satisfait d’avoir « contré » le Diablotin et d’avoir rétablit la bonne Gauche… est ce qu’on ne peut pas être des auto-mobiles ? tu crois vraiment qu’il nous faut un moteur extérieur qui attisera quotidiennement notre rage endormie ? si tu veux faire changer les choses ce n’est pas par le pire mais par toi que ça doit passer. Enfin tout ça je le crois, rien n’est certain : « la seule certitude que j’ai c’est d’être dans le doute » a dit Desproges, je crois que ton post c’est ça qu’il veut nous dire. Mille fois encore : d’accord et je salue ton geste.
En espérant ne pas t’avoir convaincu, ne pas t’avoir incité à quoi que se soit autre que la réflexion, et surtout en espérant pouvoir te voir bientôt pour en parler et parler tout court.

3:21 PM  
Blogger Eva said...

Cher Pierre,
je te lis depuis deux ans et demi, j'ai fait mes deux années de prépa en parallèle des tiennes et bien des fois, je me suis retrouvée dans tes posts mais là... comment dire... je suis profondément déçue.
Je ne te ferai pas la liste des dangers que représente l'arrivée de Sarko au pouvoir, tu la connais déjà et c'est d'ailleurs ça le plus triste...
Je te conseille seulement de descendre de ton petit nuage et d'imaginer 5 secondes l'état de la France dans 5 ans si Sarkozy est élu (médias, culture, justice, santé, éducation, relations avec les pays européens, relations avec le reste du monde) et de penser 5 secondes aux gens dont la vie quotidienne serait bouleversée par l'élection de Sarkozy (malades en affectation longue durée, sans-papiers, chômeurs mais pas seulement...).
Fais-tu confiance à ce point aux Français pour prendre le risque de jouer la carte de la politique du pire? Retourne-toi 30 secondes et souviens-toi de quoi ils ont déjà été capables...
Si tu votes Sarko le 6 mai, tu dervras assumer la responsabilité de cet acte pendant 5 ans. Je te souhaite bon courage.

10:42 AM  
Anonymous Anonyme said...

Pierrot,
Je partage ton avis sur Sarko: idées affreuses, mais ténacité et volonté inébranlables. On saura où on va, pas de demi-mesures, et même si les principes ne vont pas, ils seront honnêtes dans ce qu'ils sont et dans leurs effets, ce qui est une qualité en politique.
Cela peut générer un courant anti-Sarko assez fort. Le problème est que cela sera un parti, une jeunesse, un mouvement "contre" quelque chose. Qui s'unira fondamentalement pour quelque chose qu'il ne veut pas: des petites échappées créatrices peuvent émerger, mais l'idée de base est la destruction, la répression de quelqu'un un et de son gouvernement. Ce serait d'abord un travers qui emprunterait de beaucoup à la personne désignée "cible à abattre". Ensuite, et là je rejoins Jérem, pourquoi ne pas être créatif à la base, pourquoi s'encombrer d'une valeur négative, à savoir: "être contre". Qui n'a que peu de lendemains sérieux et concrets.
Après, effectivement, il s'agira d'être contre quelque chose qui mériterait certainement d'être supprimé, rénové, repensé. Contre des états d'esprit que je n'aime personnellement pas. Et que cela peut remuer quelques mentalité. Mais pourquoi ne pas faire ça sans avoir "le pire" devant nous, et comme réalité? Il y'a aussi évidemment une bonne dose d'inertie que peut générer "Ségo au pouvoir", on se dira : finalement, pas besoin de changer les choses. Ce à quoi je ne suis pas d'accord non plus...
Pour autant, doit-on vraiment se foutre dans la merde, et d'autres avec nous, non je ne crois pas...

Je ne pensais jamais faire ça, mais figure toi que je vais citer Marilyn Manson quand Bush a été élu : " au moins, c'est une bonne nouvelle pour la création artistique" - ce qui le fut effectivement, demande à Nine Inch Nails.
Mais tout bêtement je ne supporte pas Sarkozy. Vraiment, je valide ta description. Je voterai donc une deuxième fois Ségo. Sache que même si elle gagne, il sera toujours là, LE mec de l'opposition, on a pas fini de l'entendre... Et ses idées, aussi nulles soient-elles, seront toujours là aussi. Autant être dans un climat politique de gauche, favorable aux "djeunz" et à certains espaces de liberté et de créations qui ne soient pas forcément durs et négatifs, "contre" quelqu'un d'autre; autant être dans un pays qu'on ne renie pas jusqu'au bout...

3:55 PM  
Blogger Pierre said...

Merci pour ces commentaires variés, francs et personnels.
Je n'ai pas le courage (désolé Eric...) de reprendre toutes les idées point par point. Mais j'aimerais ajouter, au vu de ces nouvelles pistes, une ou deux remarques.

Effectivement, Shad, dans cette théorie qui m'est venue à l'esprit, que j'ai eu envie d'exposer, il y a ce problème décisif: on s'érigerait contre quelque chose. Et, de fait, on reste prisonnier d'un bras de fer, monotone dans sa forme. Au contraire, comme tu le souligne avec Jérémie, militer depuis la base, spontanément, authentiquement, ça me semble bien plus fécond.

Ceci m'amène à vous expliquer plus précisemment la genèse de cet article. Quand l'idée m'est venu, j'étais vide. Vidé de l'intérieur parce que je pensais trop. Je pensais mal. Plus précisemment: par excès de conceptualisation. Après coup, en relisant, je me dis: cet article transpire le concept, l'abstraction poussée à l'extrème. A tout prix, rechercher le pur, le parfait, ce qui me pousse à faire plein de détours pour aller à l'essentiel. Ce péché, ai-je envie de dire, va à l'encontre de l'opinion simple, authentique. Mais voilà: brandir des concepts perfectionnistes de la sorte, à terme, je ne m'en sortirais jamais. Calcul abstrait, non politique.

Sur le coup, cette théorie apparaissait si nettement que je voulais l'écrire, ne serait-ce que pour plaquer des mots dessus. J'en sentais les limites, le noeud indéfaisable. Insaisissable, c'est peut-être pour en saisir quelque chose que je l'ai formulée. Loin d'être sur "mon petit nuage", chaque mot était un peu tremblant. Et maintenant, je ne peux m'empêcher de me dire: cinq ans de réel contre une théorie. Bizarre. Bêtise.

C'était autre chose que la politique du pire.

Je ne renie rien, j'y croyais sincèrement. Seul le recul et vos commentaires m'ont permis d'avoir un regard plus incisif.

8:09 PM  
Anonymous Anonyme said...

Vous écrivez :
« Votre électeur insisterait sur un point essentiel: on souligne trop peu dans les théories politiques qu'un bon parti, généralement, se forme en réaction à quelque chose.»

Ce à quoi je réponds :

« Le parti socialiste ne doit jamais oublier que son combat, loin de se situer sur le champ politique, est d’abord et avant tout un combat contre les forces sociales, qui elles, déterminent les conditions du combat politique »

2:35 PM  
Anonymous Anonyme said...

Bonjour !
J'ai vu que tu as une expérience de l'hypokhâgne et j'espérais que tu accepterais de partager ton expérience sur un forum qui vient de naître :)
hypokhagne.heberg-blog.net

3:32 PM  
Anonymous Anonyme said...

Well written article.

7:57 AM  

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