Luxemblog

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Lieu : Paris, 75, France

14.11.07

Bonjour à tous,

Pour ceux que ça intéresse, l'aventure continue en Allemagne.

http://moietkoblenz.redby.fr/blog/

Pierre

13.6.07

Petra, la suite

A défaut d'émotions et de frissons, je vous donne un après-goût du concert dont j'ai parlé plus bas. Il s'agit d'une vidéo de trois minutes basée sur YouTube. C'est moins fort qu'en vrai, vous vous en doutez. Par ici.


25.4.07

Sarko, malgré lui, malgré moi
Ou la question cruciale de la fin et des moyens


C'est l'histoire d'un djeunz assez bohème et plutôt inconstant qui décide de voter Ségo au premier tour pour bloquer Sarko -Sarko fait peur-, très satisfait des résultats le soir des élections, et qui, quelques jours après, se demande s'il ne va pas voter Sarko au second tour pour empêcher Ségo d'être élue. Le comportement électoral de ce djeunz, plutôt déconcertant, serait suceptible de dérouter des analyses sociologiques ou bien, plus proche, son entourage. Il serait alors obligé, pour ne pas perdre tout crédit, d'expliquer son raisonnement.


Il commencerait pourtant par un réquisitoire bâteau contre Sarko. Ou une diabolisation sincère -puisque c'est le sujet chic en ce moment-, comme on veut. Le personnage Sarko est viscéralement infect. A se rouler dans la boue. Colérique comme pas deux, imbu de sa personne, souvent trop pragmatique. Etant très attaché à la parole, à la saveur des mots, à ce qui fait le charme d'un politicien, notre djeunz ne manquerait pas de s'insurger contre des discours dangereusement rassurants, dangereusement simplistes, dangereusement réconcialiateurs. Des relectures de l'histoire biaisées, des théories scientifiques dégotées à l'école primaire, une vision du mal plutôt fixiste. Et derrière tous ces discours, un vide colossal. Le vide derrière le verni. Des promesses à toutes et à tous, en masse, pour se faire élire. Manipulateur. Les Français croient encore à Santa-Clause. Et il le sait.


A cet instant précis, l'argumentaire se libérerait un peu des discours souvent réitérés. Notre jeune électeur soupirerait. Oui mais. Pas si simple. Vous savez. Il y a quand même une chose. Une tenacité incroyable habite le candidat. Quelles que soient les raisons par laquelle elle est mue, Sarko sait ou il va et s'en donne les moyens. Une chose est certaine: l'homme Sarkozy ne se laisse pas du tout effacer par ses idéaux, ni par son parti. L'homme, le caractère, bref, Sarkozy est farouchement présent.
Et ceci aux antipodes de sa candidate directe. Ségo, son ancienne roue de secours au premier tour. Le discours de Ségolène le soir des élections. Sègolène elle-même. Molle. Effacée. Sans conviction aucune. Le parfait contraire: la femme Ségo effacée derrière ses idéaux, complètement vide, et peut-être même affaiblie par le poids des éléphants, pas si éléphants que ça d'ailleurs, plutôt pirrahnas pas très futés sur ce coup-là.


Alors il en tirerait la conséquence suivante, peut-être à tort: Sarko président, les choses bougeront. Pour une seule raison, sa tenacité farouche, parfois hystérique. Les choses bougeront, certainement en mal (du point de vue du djeunz), mais quand-même. Rupture donc. Car cela fait à peu près dix ans qu'on baigne dans une espèce de soupe informe, dans une sorte d'inertie du pouvoir. Et il n'y a rien de pire pour un pays que d'être molaçon. Un des thèmes fétiches de Sarko: le travail. Soit. Et bien une chose est sûre, le candidat travaillera d'arrache-pied à consommer la rupture.


Il manquerait alors une seule étape au raisonnement, pour que le scénario soit à peu près enviable. Notre électeur insisterait sur un point essentiel: on souligne trop peu dans les théories politiques qu'un bon parti, généralement, se forme en réaction à quelque chose. Lorsqu'une situation a dégénéré, lorsqu'on on est allé trop loin, la force (même négative) de l'évènement nourrit allègrement les volontés les plus affectées. Il faut trouver une réponse de taille. Lutter. S'organiser donc. Changer ses stratégies. Et batailler. Cinq ans de Sarkozie pourraient générer malgré elles un dynamisme nouveau au sein de la gauche, et un renouveau de confiance et d'adhésion des électeurs. Un dynamisme quasi-mécanique, dont les bases reposeraient sur la tenacité originelle de Sarko, bonne ou mauvaise.


Evidemment, ceci nous ramène à l'éternelle question, sans réponse: la fin justifie-t-elle les moyens? Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit non? Accepter cinq ans de remou, bon ou mauvais, d'un candidat qu'on abhorre, pour espérer un renouveau mécanique. Des esprits malicieux s'écrieraient: autant voter Lepen alors? Attention à la pente glissante répondrait notre jeune offensé. La tenacité de Sarko n'est pas du tout semblable à l'extrêmisme d'un parti.


Voilà en substance, ce qu'il dirait. Voilà ce qui lui a traversé la tête depuis deux jours. C'est une manière étrange de raisonner, certes. Accepter un petit sacrifice pour un espoir futur. Sacrifier le court-terme pour imagnier la suite.

Enfin, notre jeune-pas-commode ponctuerait sa démonstration par une chose: il n'est pas du tout certain de l'effet escompté. Peut-on vraiment raisonner de la sorte? Cette vision des évènements est-elle illusoire? C'est pourquoi, hésitant, il serait ravi d'avoir l'avis de quelques lecteurs, incendiaire ou non.

17.4.07

La très célibataire Nature

Il y a dix jours. Proposition alléchante. Cher cousin m'accompagneras-tu en ce samedi saint voir Notre pain quotidien? J'en ai entendu parler sur France Inter dans le Masque et la Plume. A la fin de l'émission tous les chroniqueurs balancent en une minute ce sur quoi ils ont flashé. Ca m'a hyper appaté! Il faut aller le voir! C'est pas loin, dans la rue, au Lucernaire. C'est un documentaire autrichien. Sans paroles. L'agro-alimentaire et les petits animaux en images. Ca risque de t'intéresser. Cui cui cui.

Nous débarquons le film a déjà commencé trois personnes dans la salle, vraiment toute petite salle, mais où est-on exactement? Début soft. Quelques végétaux un peu maltraités par l'Homme rien de bien méchant le XXIe siècle tel quel, engrais, pesticides et OGM sûrement. Tout se corse quand surgissent innocentes victimes les premières espèces animales. Des poussins. Par centaines. Sur des tapis roulants, catapultés, des flippers de poussins, des petits poussins tatoués. On jette à la poubelle les perdants. Couic. Couic.

Tous deux on cache notre malaise: on explose de rire.

Documentaire incroyablement provocant. Une heure et demi d'intrusions miraculeuses dans des grandes firmes, séquences souvent raffinées, même si on ne filme que du laid. Secouage d'olivier, rivières de pommes, ecorchage de cochons à la chaîne, électocution de boeufs surmusclés tout aussi à la chaîne, castration des porcinets encore à la chaîne. Je ne vous dis pas tout. Peut-être irez-vous voir. Le film ne s'arrête jamais ou presque, puisque tout est à la chaîne. Il faut produire, évidemment.

Nous ressortons abasourdis. Moi prêt à incendier le frigo et à faire la grève de la faim et à militer pour José Bové. Puis nous reparlons. Qu'est-ce qui nous fout si mal à l'aise? Où est le désagréable exactement pour un homme? A cause des employés, qui accomplissent ces tâches abominablement sanglantes et répétitives? Ou bien la formidable ribambelle d'animaux, incomptables et tous semblables? Ou encore ces machines incroyables inventées pour les tâches les plus invraisemblables, couper les pattes des cochons, scalper les boeufs, aspirateurs de poules, tunnels improbables, tronçonneuses pour couper les hyper boeufs en deux, des crochets, des couteaux, des lames de partout?

Nous tatonnons longtemps pour trouver la cause profonde du malaise.

Jaillit alors cette phrase complètement obscure de sa bouche: tu sais, on a vraiment l'impression que la Nature se masturbe. Pardon? C'est simple Pierre. Il y a une grande différence entre faire l'amour avec une partenaire et se masturber. Quand tu fais l'amour, tu accomplis quelque chose de cyclique, de prévu. C'est dans l'ordre des choses. La masturbation c'est solo une sorte de gâchis. Dans le film c'est pareil. Les animaux ne se rencontrent plus pour s' accoupler. Tu as bien vu on met le boeuf devant une génisse, on le fait bander et hop avant qu'il éjacule ces salops attrapent le sperme avec un outil barbare horriblement douloureux. Les animaux ne s'accouplent plus. Ne se rencontrent plus. Ils se masturbent. Pas au sens propre bien sûr. Ils se masturbent au sens où il n'y a plus ce cycle rassurant.

Sur le coup je ne tilte pas. Le lendemain matin, ses mots m'apparaissent plus nettement. Et oui, je crois saisir. Nous avons arraché à la Nature sa fonction mythique et par là-même rassurante. L'Homme ne peut plus prendre modèle sur ce qu'il voyait quelques décennies auparavant. Les amourettes entre animaux chantées par les poètes et citées par les philosophes, c'est fini, du moins quand on regarde un documentaire pareil. Nous avons presque réussi à supprimer la prépondérance du Cycle. Sa toute puissance effrayante mais bienveillante. C'est chose faite. L'Homme n'est plus entouré de ses compagnons primitifs sur la planète. Il n'est plus dans la Nature. Il l'a dominée, et se retrouve maintenant seul. Abandonné, laissé à lui-même. Sans ordre, sans modèle. Il peut tout faire, matériellement. Même ruiner le concept de Cycle. Mais les conséquences sont là, irréparables: une perte de sens. Affreuse. C'est un fardeau, de se dire qu'on peut tout faire, même briser des idoles.

Oui, je dirais volontiers que maintenant la Nature se masturbe, sous nos yeux et par nos mains. C'est peut-être ça aussi, l'homme nietzchéen.

29.3.07

Petra nue

Sieste. Réveil radio. Sa voix s'était glissée dans mon sommeil et m'avait accompagné au premier battement de paupières. Allongé. Me sentais pris dans une cage de velours. L'etoffe solidement fixée sur des barreaux solides, une contrebasse. A la fin du morceau le présentateur nous donnait son nom. Petra Magoni. Italienne. Peu fier pronto téléchargement de l'album une vraie merveille.
Un an plus tard. Un ami fait un stage dans la maison qui la produit. Petra sera en concert le 28 cher Pierre. Je peux obtenir des places. Ce sera notre concert, c'est toi qui me l'as fait découvrir.

Petra a chanté hier soir au New Morning dans le 10e. Avec son contrebassiste. Salle pétrifiée. Nous sommes dans la cage de velours. Pour de vrai. Stimulation intense des oreilles mais surtout des yeux. Le corps de Petra. Elle est fascinante. Le corps de Petra prend la forme de sa voix. Elle se cabre. Elle se tord. Comme le fait justement remarquer une amie, son visage se déforme carrément. Petra est un élastique dur dont la tension contamine chacun. Elastique recouvert d'une petite robe noire avec des fraises dessus (la photo date de plus longtemps). Ils sont deux sur scène. Ou plutôt trois. Elle, lui et la contrebasse. La contrebasse fait presque office de chef d'orchestre. Petra la touche, la frôle, la désire. On dirait presque une relation charnelle entre une contrebasse et un élastique dur. Plutôt décapant. Elle n'hésite pas rigolote à toucher les cordes et produire des petits sons quitte à taquiner son musicien.

La voix de Petra. Bien sûr elle chante. Mais il n'y a pas que ça. Pas possible. Sinon elle me terrasserait pas comme ça. Si. Je sais. La moindre son engage toute la petite femme. Il y a tout elle dans ses paroles parfois douces, parfois violentes. Souvent elle crie. Pour rire ou pour de bon. Mais elle chante encore en criant. C'est encore elle, plus que jamais. Elle adore monter dans les aigus, vraiment très haut, comme les oiseaux. Elle le fait parce que c'est elle tout craché. Ca n'aurait pu être autrement. Du moins il me semble. Que ce soient des reprises des Beatles, de Police, des compositions ou des navets italiens remixés.

Tous deux nous font aussi mourir de rire. Parce qu'elle parle français. Et nous sort des énormités. Dialogue avec son publique. Ils nous font rire parce qu'ils font plein de faux démarrages, ça ne les gène pas du tout. Ils se taquinent, se cherchent, partent dans des délires et nous entraînent franchement. Tous les trois, que dis-je.

L'année prochaine elle reviendra sûrement. Aura sûrement acquis une plus grande notoriété. L'album s'appelle "musica nuda" vous le trouverez beau mais. Sur scène. Tous les trois nus. Seuls. A eux trois ils m'ont dépouillé aussi. La musique nue, authentique.

19.2.07

J'ai regardé quelques minutes Ségolène sur Tf1 ce soir. Pour voir. Oser un peu plonger de l'autre côté. Ouvir les yeux. Ou les fermer. C'est comme on veut. Ségolène. Vous savez, la tentacule médiatico-politique. Le personnage qui se construit malgré lui. Je pars en expédition donc. Tâter là ou ça me brûle les doigts, toujours. Parce que ça part dans tous les sens. Des chewing-gums d'idées qui collent et se décollent, trop malléables, pas assez solides.

La société est une grande touffe ébouriffée et je rechigne à jouer l'apprenti-coiffeur. C'est comme ça.

Ce soir quand même quelques minutes. Essayons. Parce que surtout on en a parlé entre nous cet aprem' entre collègues chiquement devant la Sorbonne. Ca m'avait un peu redonné goût. Alléché comme par la bonne odeur d'un rôti -dont on sait par ailleurs que la première bouchée détruira par excès toute cette gestation.

Une petite femme qui se tient sur le plateau, l'air fragile. Braquée. De toute part, le public, les caméras, nos yeux de télespectacteurs. Je fais l'effort. Je m'accroche. Impossible.

Le concept déjà est pipé. Des Français de tous les horizons qui assènent un seul candidat d'une foultitude de questions et de revendications. Le candidat doit alors créer son puzzle passe-partout pour y répondre à toutes et faire en sorte que toutes les solutions soient compatibles entre elles et satisfaisantes. Créer un système poudre aux yeux qui ravira petits et grands. Evidemment le candidat ne prend pas en compte des cas particuliers mais remonte toujours vers le général, presque tout le temps vers le creux. Creux car la démarche devrait être inverse. Mais on est pressés. Tous. Le timing. Alors on se fait plaisir, et on répond creux. Puisque c'est presque d'un jeu implicite dont il s'agit ici.

Dépasse le concept Pierre. Tu forges trop d'outillage théorique bordel! et regarde ce qui se passe présentement sous tes yeux. J'ai beau faire. C'est pire. Au bout de vingt minutes je n'en peux plus, le jargon m'exaspère. Pourquoi? Parce que nous baignons des pieds jusqu'à la tête dans l'orgie du positif et du ça-va-mieux-se-passer. Les expressions ne sont pas très belles. Pardon.

Croissance, croissance, augmenter, augmenter, relancer, cercle vertueux, cercle vertueux du travail, augmenter le revenu, la Suède a le revenu minimum le plus élevé, PME / grande entreprise augmenter masse salariale, cercle vertueux ne pas faire augementer l'indice des prix, relancer.
Et ces mots me font peur. Parce qu'ils se dirigent aveuglèment vers des principes perfectifs. Ils sont comme des bulles de Malabar: plus c'est gros, plus ça explose facilement. Tic tic tic. Ca sonne creux, je le redis.

Tout ce vocabulaire qui a trait à l'exubérance de la quantité pervertit le discours, pour deux raisons. 1) Il pousse le discours à se hisser au rang le plus général possible ("nous devons relancer la croissance") afin que cette tentacule quantitative s'impose délibéremment à la plus haute échelle possible. Dès lors le discours s'écarte de la réalité particulière. 2) Il oriente les débats futurs vers des questions qui tourneront autour de ces généralités sophistiques. On s'empêtre, et on laisse tomber d'autres facettes de l'homme.

C'est bien abstrait. Je prends l'exemple de cet homme qui demande à Ségo pourquoi elle ne s'est pas rendue au forum des restaurateurs (ou PME?) l'année passée. Sourire niais de Ségo. Question concrète pourtant de ce brave individu. Mais réponse niaise de Ségo, généraliste à gogo. Eh de quoi tu parles mec? on est en train de se prélasser dans la quantité, on bronze avec nos pilules d'adjectifs d'accroissement et tu m'interrompts avec ton forum de bouzeux? Réponse de Ségo: les PME sont mon combat, vous le savez, je veux les relancer économiquement (en gros c'était ça) (et le forum alors?)!

Je ne peux m'empêcher de penser que Ségolène (et tout autre discours politique qui se situe dans ce registre) est un triste miroir. Miroir de la société, ou d'une partie, même si c'est bien vague, en quête de l'illimité, du forfait illimité, de l'augmentation, augmenter augmenter, surfer sur des embruns, vite vite vite relancer relancer relancer.

1.2.07

Séjour gastronomique en Auvergne

Un mois de Je travaille et je m'en fous du reste. Quelques cartouches d'encre et une trentaine de léchages baveux anonymisant de copies plus tard me voici ouf libéré. Il faut faire quelque chose maintenant. Partir. Se faire croire que pour quinze jours la France le monde sont à moi ma carte 12/25 sera mon passeport sacré. L'Espagne ça n 'a pas marché. Stage de parapente annulé. Je creuse. Merde c'est affreux la léthargie. Et pourquoi pas Clermont-Ferrand le festival du Court-métrage me conseille-t-on. Diantre. Je poirotte vingt-quatre heures je tiens pas en place et enfin je reçois l'appel que j'attendais. Oui je peux vous loger Monsieur pour vingt euros la nuit même si vous êtes deux.

Nous sommes deux. Rencontre par hasard au super U ça faisait longtemps. La prépa tu comprends. Eh ça te dirait d'aller à Clermont au festival? En plus c'est nickel pour tes études de ciné. Les rencontres inattendues du supermarché à la caisse. Et nous voilà sur l'embranchement de l'autoroute A6 à faire du stop. Nos doigts de pieds gèlent et les conducteurs font des grimaces. A voir leurs yeux tout ronds le stop n'est plus une pratique courante. Après cinq heures de zèle nous désesperons. Nous n'avons fait que trente kilomètres. Notre plus belle rencontre : s'être fait ramasser par les policiers car nous avions été "signalés". On repart à zéro. Vive le train et la carte 12/25. Nous arrivons nous n'y croyions plus le dimanche soir. A pic pour une première séance. C'est du festival que je vais parler.

C'est un festival du ventre. On mange on incurgite sans digérer des petits fours servis sur un plateau. Du cinéma bouffe. A l'entrée dimanche soir Le menu, bien garni bien épais. Pas moins de 1200 court-métrages étalés sur une semaine. Cinq bâtiments. De 10h à 23h en continu. Nous achetons nos tickets. 1,83€ la séance, à peu près cinq six petits films par séance. Le festin commence.

Des petits fours. Nous bavons devant le catalogue alléchant. Design sexy. Une photo du film et un bref synopsis. Puis à nous de programmer nos séances. Cuisine à toutes les sauces. Française, internationale (notre préférée), belge, africaine. Et quelques hors-d'oeuvres: films "labo", films "école" etc. Beaucoup beaucoup de films d'animation. C'est vraiment à la mode. On mélange aussi sucré/salé: fiction, documentaire, fiction expérimentale.

Surtout. C'est l'occasion rêvée de découvrir le Mesdames et Monsieur court-métrage. Au début un genre un peu bâtard, entre la nouvelle écrite et le long-métrage, et ça dure un peu plus longtemps qu'une publicité. Je ne cerne pas vraiment. Puis petit à petit à force de manger j'entrevois des aspects inattendus. Le film court est une genre en lui-même quasi-codifié.

Tout tient à cela : le défi. Raconter une histoire en un laps de temps très court en moyenne de dix à trente minutes. Ca devrait tout changer. Tout change effectivement. D'après mon échantillon représentatif -j'en ai vu à peu près trente quarante- j'en tire le constat suivant: l'histoire n'est jamais vraiment racontée. Elle est dessinée. Presque esquissée comme sur du papier calque.
Le début: irruption dans un univers qui semble avoir commencé largement avant le court-métrage lui-même. Les personnages ne nous ont pas attendus nous spectacteurs pour entamer leur rôle. On arrive en cours de route. Ils étaient là avant. Le dénouement a aussi sa particularité propre. On reste toujours sur sa faim. A la différence de la plupart des films longs la fin ici est toujours une relance. Ca ne finit jamais vraiment. Nous terminons courbés sur notre fauteuil en forme de point d'interrogation ou décomposés en points de suspension. Parfois irrités quand c'était vraiment bien. C'est très frappant. Jamais ce gargouillis de ventre de satisfaction ressenti habituellement à la fin d'un long-métrage.
Paradoxalement dans le court-métrage on ne se presse pas. Puisque l'action est esquissée et que le spectacteur l'accepte tacitement, on peut prendre tout son temps. Vraiment très très peu de dialogues. On laisse parler les images c'est quand même plus éloquent. Des séquences sur la même action peuvent être très très longues. Y'a vraiment pas l'feu. Comme en auto-stop finalement, on ne court pas pour aller attrapper son train. Les plans aussi, de manière générale, durent plus longtemps. Je me souviens d'un film argentin assez long composé de quatre cinq plans différents. Et ça détonne.

Frappé par l'étendue des sujets traités. Y'en a vraiment pas un, même au sein des français, qui ressemble à l'autre. On trouve aussi beaucoup de sujets complètement ahurissants venus de Mars. Dans le court-métrage on parle vraiment de ce qu'on veut. Tout est permis. A titre d'exemple un film anglais je crois nommé The Phobies. Quatre patients dans un cabinet plus une secrétaire. Sans explication ni rien des cheveux qui attaquent, une lumière déchirante, bref illustration succesive de cinq phobies différentes. Et c'est fini. Ou encore ce film coréen où une mère trucide toute sa famille en apprenant qu'une bombe atomique va faire exploser tout le pays, pour finalement tomber comme un javelot dans son jardin et transpercer son fils.

Une bonne partie m'ont foutu mal à l'aise. C'est aussi le but.

Dans ce festival y'a aussi l'ambiance. Des rituels sains. Le double applaudissement à la fin de chaque film. Le jury dans la salle au septième rang. Quelques réalisateurs présents dans la salle ça-et-là que l'on salue dans le micro au début de la séance. Beaucoup de djeun's férus qui jouent au tarot dans les escaliers. Ambiance vraiment décontractée. Un festival sans couleurs politiques. Et tout autour la ville enneigée on respire.

J'en suis parti en ramenant un petit quelque chose. Il m'arrive pendant quelques secondes d'avoir des flash "séquence court-métrage". Quelques évènements tout bêtes qui se déroulent sous mes yeux. Et je me dis. Ca alors! Ce que je viens de voir (de sentir)! C'est pile-poil ce qu'il aurait fallu si je voulais faire un court-métrage! Une sorte de symptôme de la caméra enfouie dans la tête.