Pas de chocolat suisse, on reste au bunker

Tout d'abord des plates excuses. Je n'écris plus beaucoup. J'ai un comportement un peu hautain cette année avec mon blog. Quand on me dit alors Pierre ton blog, j'hausse les épaules et je sais pas trop quoi répondre. Il n'est plus cet instrument si fabuleux qu'en prépa. Pendant deux ans il a été le vecteur de transmission d'une expérience inattendue et sensationnelle. Il fallait absolument parler de toutes ces découvertes. Mais cette année, fondu dans la masse. J'ai un peu perdu de vue toutes ces étincelles. Je suis dans une institution comme tant d'autres, si peu différent au fond (du moins c'est l'impression). C'est un peu l'usine du savoir, sans savoir où l'on va. Pour l'écriture, c'est moins stimulant.

Enfin, un billet de temps en temps, quand un évènement pointe du museau et mérite d'être raconté. Quand c'est le cas, j'aime toujours autant.

Depuis une heure, je suis un autre. Mes habits ont changé, ma voix est plus grave, les cheveux presque rasés. Prise de conscience qu'il fallait très vite me transformer en général intransigeant.

J'ai lu les horaires des examens sur internet, et à mon grand dam les épreuves ne se chevauchent pas donc je n'ai aucune excuse pour passer les rattrapages en septembre. En effet, en double licence, il arrive fréquemment de ne pas pouvoir tout passer, parce qu'on a pas trop le don d'ubiquité. Or là c'est pas la peine. En trois semains (une de cours, deux banalisées) mes quelques douze épreuves hétéroclytes rentrent largement, presque un miracle.

J'endosse donc ma casquette de général. Un redoutable général. Plisser les yeux, ne pas tilter, et élaborer un plan. Mieux, une stratégie. Une stratégie militaire pour ne pas se laisser démolir par cette cohorte de petites épreuves sournoises.

Un général impavide. Ne pas reculer devant les ultimes défis du fatum: deux épreuves de quatre heures la même journée, zut un livre de danse contemporaine à acheter et à lire je le savais pas je serai interrogé dessus, plein de cours à rattrapper qu'il va falloir quémander à des collègues charitables, ne pas se laisser démonter par les mauvais rêves j'en ai fait un cette nuit je n'avais plus qu'une heure de révision pour une épreuve de linguistique.

Pour l'instant, j'ai fait choux-blanc. Digne d'un troufion. Trois jours que je m'y suis mis et j'ai à peine ouvert l'Emile de Rousseau en somnolant tellement que c'est. Bref. Stratégie on évite les obstacles on va gentiment reposer Rousseau et l'homme de la nature, attendre un peu pour le livre IV et se débrouiller pour le lire de temps en temps dans le métro (que dis-je dans mon tank!), ou même sur le front pendant le réveillon si les canons ne seront pas trop brusques (comprenne qui pourra).

Un général impétueux, qui sait dire oui ou non c'est bien c'est pas bien ça vaut le coup ou non je laisse tomber je fais la guerre et je me bats ou non je déserte tout ça en un clin d'oeil. Autrement dit le contraire de ce que je suis pendant l'année. Indécis à l'extrème. Le temps c'est des victoires maintenant.

Un général digne de ce nom ne baisse pas les bras, même quand sa famille part au ski en Suisse insouciante, dans un petit chalet gracieusement offert, et qu'ils demandent si tout le monde a bien pensé à prendre son bonnet et que moi je ne peux pas parce que je suis scotché à mon képi.

Ne soyez pas attristés, un général ne se plaint jamais.

Non, au contraire,

Bonnes fêtes à tous