Luxemblog

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Lieu : Paris, 75, France

26.11.06

Mozart, l'éternel

J'ai la chance d'avoir un enseignement assez rare en France, une introduction à la philosophie indienne. C'est trois heures d'affilée par semaine le jeudi. En découvrant ça j'avais bondi de joie et m'étais vite calmé car à ct'heure-ci ont lieu des cours d'allemand très difficilement rattrapables. Au bord du gouffre, dépité, j'ai finalement trouvé un gentil quelqu'un qui m'enregistre le cours pendant les trois heures avec un dictaphone.

Me voilà donc une fois par semaine cloué à mon bureau pendant trois heures avec mes écouteurs en train de rêver et prenant des notes. Et, quelle ne fut pas ma surprise quand j'entendis sortir de la bouche du prof le constat suivant, formulé à peu près dans ces termes:

La philosophie occidentale est trop simpliste, elle ne tient pas compte de la transmigration (plutôt que réincarnation), mélange de métaphysique et de psychologique. Elle postule la liberté de l'homme ou sa non-liberté, mais les choses sont plus compliquées que ça [espèce de petit ricanement, genre et toc pour les penseurs européens]. (...). Et quand aux derniers qui refuseraient [cette évidence], prenons l'exemple de Mozart qui achèvera de les convaincre. Dans les bonnes biographies de Mozart, on raconte qu'à cinq ans il aurait dit à son père "Père, laissez-moi prendre part à ce concert, on n'a pas besoin d'enseignement pour apprendre le violon". Le message est clair: Mozart est la réincarnation d'un ancien musicien. Il connaissait déjà la musique en naissant. Il connaissait déjà le violon. Il a choisit cet embryon idéal, avant la naissance, sachant que son père était un des meilleurs pédagogues de musique du monde.

Comme argumentation j'ai vu mieux. J'aimerais la soumettre aux professeus de logique formelle. C'est surtout le ton, que je ne peux pas vous retranscrire. C'est affirmé d'une manière catégorique, un peu hautaine, sans donner l'impression de toucher à quelque chose de controversé. Moi, j'y crois un peu à la transmigration, de temps à autres. C'est pas le problème. Mais la considérer comme réellement acquise auprès de ses élèves ou bien la postuler d'après un cas particulier, c'est plutôt cocasse. Je me demandais s'il était brahmane universitairement ou dans le coeur. J'ai en partie une réponse. Bizarrement, je n'entends pas les autres élèves rire, partir en hurlant ou simplement poser une question pendant le constat. J'aurais donné beaucoup pour voir leurs expressions de visage à ce moment précis.

19.11.06

Je ne serai pas prof à la fac

Plus j'y pense, plus je me dis que le métier m'irait comme une moufle. A moins d'être très très détaché. Pas un bonjour, ni d'au revoir. Première chose on ne connaît pas ses élèves. Jeune homme s'il vous plaît pouvez-vous me dire etc. Mademoiselle s'il vous plaît. Elèves vagues entités. Rares questions posées par les élèves. En amphi (surtout en allemand): discussions, rires effrontés, baillements. Des élèves qui sortent en courant pour aller aux toilettes ou répondre à un coup de fil important. En TD: aucune volonté de répondre aux questions posées. Je vais vous donner un peu de travail à faire pour la semaine prochaine. La semaine d'après: qui peut répondre à la question? Flop intersidéral. Regard presque implorant du professeur. Guerre de lassitude pour distribuer les exposés. De manière plus générale: enseigner toujours le même fragment d'une discipline plus vaste, inlassablement au fil des ans, une fois par semaine à des étudiants un peu mous. Prolonger l'enseignement dans la recherche, ne plus sortir de son champ d'action. Et, essayer d'intéresser non pas des élèves particuliers que l'on connaît un peu, mais un auditoire, un auditoire x, ce qui change tout. Être professeur au collège, au lycée, voire en prépa (y a quand même un obstacle de taille : l'agreg) correspondrait bien plus à ce que je recherche.

Par contre en tant qu'étudiant la fac ça me va très bien. Un an en licence tout frais tout nouveau, ce ne sont pas vingt-ans de feuilles d'automne de l'autre côté du bureau.